Le ski de randonnée est synonyme de liberté, d’évasion, de découvertes. Mais, ironie du sort, ce sport qui nous rapproche des cîmes a un coût écologique qu’on ne peut plus ignorer. Derrière chaque paire de skis, il y a une usine, des matériaux, des énergies… et une empreinte carbone qui peut faire grincer des dents. Alors, le matériel de ski peut-il rimer avec écologie ? On détricote le sujet, pour voir ce qui se cache sous la semelle de nos spatules.
L’impact environnemental de la fabrication d’un ski : un bilan pas si blanc
Produire un ski de randonnée, c’est un peu comme préparer un repas: il faut mélanger plusieurs ingrédients, chauffer le tout, et espérer que le résultat soit savoureux. Sauf que, dans ce cas, les ingrédients – bois, fibres, résines – et le processus de cuisson laissent des traces. Selon une enquête de Mountain Wilderness relayée par Montagnes Magazine (source) , l’impact environnemental de la fabrication d’un ski repose principalement sur trois piliers :
- L’énergie utilisée,
- Les matériaux,
- Les transports associés.
L’énergie : le moteur caché
La fabrication d’un ski est énergivore. Les usines consomment de l’électricité pour presser, chauffer, et façonner les matériaux. Mais d’où vient cette énergie ? Trop souvent, elle repose sur des sources fossiles comme le charbon ou le gaz, qui émettent des gaz à effet de serre (GES).
Mountain Wilderness (source) souligne que « le plus gros levier en termes d’impact environnemental est lié au type d’électricité utilisé pour la fabrication des skis ». Passer à des énergies renouvelables – hydraulique, éolien, ou solaire – pourrait réduire drastiquement cet impact. Pourtant, peu de fabricants communiquent clairement sur leur mix énergétique. Pourquoi ? Parce que, souvent, ils n’ont pas les données. Ou pire, ils n’ont pas encore fait l’effort de s’y pencher.
Les matériaux : une équation complexe
Un ski de randonnée, c’est une superposition savante de couches : bois pour le noyau, fibres de verre ou de carbone pour la rigidité, résines époxy pour lier le tout, et une semelle en polyéthylène pour glisser.
Problème : ces matériaux ne sont pas tous des cadeaux pour la planète.
→ Le bois : S’il vient d’exploitations durables certifiées (FSC ou PEFC), c’est un bon point. Mais combien de marques, avouent ne pas connaître l’origine exacte de leur bois ? La traçabilité reste floue, et la déforestation sauvage n’est pas toujours exclue.
→ Les fibres et résines : Les fibres de verre et de carbone nécessitent des procédés chimiques gourmands en énergie. Les résines époxy, quant à elles, sont dérivées du pétrole et peu recyclables.
→ La semelle : Le polyéthylène, bien que performant, est un plastique difficile à recycler en fin de vie.

Les transports : un voyage pas si innocent
Une fois fabriqués, les skis traversent mers et continents pour arriver sous vos pieds. Camions, cargos, parfois avions : chaque kilomètre ajoute des émissions de CO2. Toujours selon Montagnes Magazine, l’impact du transport est toutefois moindre comparé à celui de l’énergie et des matériaux. Mais quand on sait que la majorité des usines sont situées en Europe ou en Asie, et que les skis voyagent jusqu’aux boutiques de Chamonix ou de Salt Lake City, ça fait réfléchir.
En résumé, produire un ski de randonnée, c’est un cocktail d’énergie fossile, de matériaux parfois douteux, et de logistique mondiale. Pas vraiment l’image d’Épinal d’un sport écolo, n’est-ce pas ?
Heureusement, l’industrie du ski n’est pas restée figée. Ces dernières années, des marques innovent pour rendre le matériel de ski plus durable. Mais entre greenwashing et vraies avancées, il faut garder l’œil ouvert.
Matériaux éco-conçus : le pari du recyclé et du biosourcé
Certaines marques ont lancé des skis entièrement recyclables. D’autres misent sur des bois certifiés et des procédés moins polluants. Les matériaux biosourcés – issus de ressources végétales comme le lin ou le chanvre – gagnent du terrain.
Enfin certaines utilisent des fibres de lin dans certaines de leurs constructions, réduisant la dépendance aux fibres de carbone pétro-sourcées.
→ Recyclage : Utiliser des matériaux recyclés, comme le polyester recyclé, peut réduire l’énergie nécessaire à la production de 59 % par rapport à un matériau vierge, selon une étude suisse de 2017.
→ Réparabilité : Des skis conçus pour être réparés prolongent leur durée de vie, limitant le besoin d’acheter neuf.
→ Artisanat local : Des ateliers comme AT Ski ou Phenix Snowboards, dans les Alpes, produisent des skis faits main avec des bois certifiés, réduisant l’empreinte liée au transport.
Optimisation des processus : moins d’énergie, moins de déchets
Les fabricants commencent à optimiser leurs usines. Par exemple, certains réduisent les déchets en réutilisant les chutes de matériaux. D’autres investissent dans des presses plus efficaces ou des systèmes de récupération d’énergie. Mais soyons honnêtes : ces efforts restent marginaux. La majorité des grandes marques, bien que conscientes des enjeux, avancent à petits pas, freinées par des coûts plus élevés ou une inertie industrielle.

Personnalisation et durabilité
Un ski sur mesure, comme ceux proposés par Ronin Skis à Chamonix, peut sembler élitiste, mais il a un avantage écologique : il est conçu pour durer. En choisissant des matériaux adaptés à votre style et à votre terrain, vous maximisez la longévité de votre équipement. Moins de skis jetés, moins de production. Simple, mais efficace.
Solutions et perspectives : skier sans laisser de traces ?
Alors, comment concilier notre amour pour le ski de randonnée avec une conscience écologique ? Spoiler : il n’y a pas de solution miracle, mais des pistes à explorer. Voici quelques idées, des plus évidentes aux plus audacieuses.
Choisir son matériel avec soin :
→ Louer plutôt qu’acheter : La location réduit la demande de skis neufs. Selon Ekwateur, louer son matériel est une option financièrement et écologiquement avantageuse, surtout si vous skiez peu souvent ou démarrer la pratique.
→ Acheter d’occasion : Les sites de seconde main ou Le Bon Coin regorgent de skis en bon état. Pourquoi produire neuf quand l’ancien fait l’affaire ?
→ Privilégier les marques engagées : Cherchez des labels comme OEKO-TEX (pour les teintures non toxiques) ou PFC Free (sans substances perfluorées) et des marques qui communiquent de façon transparente sur l’empreinte écologique de la production de leurs skis.
→ Repenser sa pratique
Le ski de randonnée est déjà moins impactant que le ski alpin, grâce à l’absence de remontées mécaniques. Mais on peut aller plus loin :
→ Réduire les transports : Privilégiez le train ou le covoiturage pour rejoindre vos points de départ de rando.
Exiger plus des fabricants
Les skieurs ont du pouvoir. En demandant des comptes aux marques sur l’origine de leurs matériaux ou leur mix énergétique, on peut pousser l’industrie à bouger. Certaines marques peinent encore à fournir des données précises à ce sujet. À nous de les challenger pour plus de transparence.
Conclusion : une glisse durable, c’est possible ?
Le ski de randonnée, c’est l’appel de la montagne, la quête d’une liberté brute. Mais cette liberté a un prix écologique, et il est temps de regarder nos spatules en face. La fabrication des skis, avec son cocktail d’énergie fossile et de matériaux complexes, n’est pas neutre.
Pourtant, des solutions émergent : matériaux recyclés, production locale, location, ou encore pratiques plus respectueuses. Chaque choix compte, du covoiturage jusqu’à la station à l’entretien de vos skis pour les faire durer.
Comme vous le savez, je parle de matériel sur ce blog depuis plusieurs années, et j’ai pu suivre, avec nombre de lecteurs, l’essor de notre pratique ces deux dernières décennies et l’accélération de l’offre de matériel pour les skieurs de randonnée. Tels des enfants gâtés voyant une myriade de nouveautés arriver, nous avons tous été amenés à vouloir bénéficier de la dernière nouveauté, nous qui avions été si longtemps les parents pauvres en termes de matériel dans le monde du ski.
Mais alors aujourd’hui sommes nous prêt à glisser plus léger sur la planète ? La prochaine fois que vous enclencherez vos fixations, posez-vous la question : et si mon matériel racontait une histoire plus verte ?
À nous de jouer pour que le ski de randonnée reste une ode à la montagne, pas un fardeau pour elle. Je vous laisse réfléchir et vous laisse plus que 4 heures !



