Le risque d’avalanches est élevé cet hiver et les week-end sont malheureusement meurtiers en cette saison 2014/15, et ce, à travers l’ensemble de l’arc alpin. Une telle situation n’est pas inédite mais à chaque fois elle soulève son lot de questions, de jugements bons ou mauvais et donne une image très négative de la pratique du ski hors piste et du ski de randonnée.
La connaissance du risque d’avalanche, la préparation d’une sortie, la lecture d’un bulletin météo et d’une carte sont autant d’éléments à appréhender avant de s’engager en montagne. Cette sensibilisation au risque en montagne existe mais est-elle suffisante et à la portée de celui ou celle qui voudrait en savoir plus ? Posons nous certaines questions autour de ce sujet d’importance.
De la culture de la montagne en France…
Un récent article dénonçait l’attitude de certains profesionnels de la montagne qui peuvent parfois sortir des pistes avec des clients sans le matériel nécessaire. En effet, il n’est pas rare de voir un moniteur de ski avec des clients profiter de la poudreuse sans même avoir un sac à dos avec une pelle et une sonde au fond de celui-ci. Quant au port du DVA, il est encore plus difficile de constater s’ils en portent un, mais porter un DVA sans une pelle et une sonde n’aurait qu’une utilité très limitée en cas d’accident.

En lisant ce coup de gueule, je me remémorais alors un passage de notre bonne vieille culture cinématographique française montagnarde : « Les Bronzés font du ski ». Et je me souvenais donc de cette scène d’héliportage et de hors-piste où notre cher Popeye emmenait ses convives faire du ski hors piste au dessus de Val d’Isère. Et de quoi peut-on se souvenir dans ce passage du film ? On se souvient que les participants n’ont pas un brin d’équipement sur eux, pas un sac à dos, ni DVA, ni pelle, ni sonde. Voici donc un bon résumé de ce que nous sommes amenés à voir trop souvent, à savoir des touristes qui payent pour aller skier dans la nature et profiter du grand air mais qui n’ont pas un seul instant idée du risque encourru et du matériel néssaire à cette pratique.
Car oui, si ce film traite volontairement des clichés de la montagne, il n’en appuit pas moins quelques idées reçues et celle de la pratique du hors piste reste bien ancrée dans la tête des skieurs Français…
Il est cependant important de noter que ce film a été tourné à la fin des années 1970, époque où la sécurité et le matériel n’en étaient qu’à leur balbutiement. Les médias n’hésitent pas aujourd’hui à continuer à montrer ce genre de film comme si de rien n’était ! Et c’est là où le bas blesse car nous participons ainsi selon moi à ce manque d’éducation aurpès du grand public que nous reprochons trop souvent à la communauté des pratiquants de ski hors piste et de randonnée. Un des films les plus populaires de notre histoire cinématographique qui traite de la montagne et ne montre que les mauvais exemples…
Derrière cette grande appartée, volontaire et quelque peu provocatrice, c’est de notre « culture montagne » dont je veux parler. Nous baignons en France dans un mythe du ski possible, sans contraintes, avec des domaines immenses et des soifs de liberté abreuvées de grandes campagnes publicitaires qui nous promettent de goûter aux joies de la poudreuse à portée de spatules.

Ne soyons pas naïf…
Il est indispensable d’éduquer, de sensibiliser et de faciliter la formation des pratiquants, c’est une des clés de l’abaissement du nombre d’accident en montagne. Mais la seule responsabilité des pratiquants et de leur soit disant soif de liberté au mépris du risque qu’ils encourent et font potentiellement encourir, ne doit pas être cantonnée qu’à leur cas.
Car oui, il serait trop facile de brandir l’argument du « tout sécuritaire », de l’interdiction et de pointer du doigt les seuls pratiquants. Certes, des comportements devraient changer, certains réflexes devraient être acquis avant d’avoir envie de goûter à ces plaisirs de liberté en neige poudreuse. Mais les stations et les autorités publiques ont également une grande part de responsabilité autour de ce sujet, responsabilité qu’elles me souhaitent pas prendre ni même toujours assumer.

Car il est trop facile selon moi, de juste taper sur les doigts des skieurs qui passent sous une corde au sommet d’un télésiège. Lorsque l’on regarde le grand panneau publicitaire au bord de l’immense parking au pied des remontées mécaniques qui fait la promotion d’un immense espace de liberté avec un skieur en train de fendre l’épaisse poudreuse qui vient de tomber, on se dit qu’il y a tout simplement de l’ironie dans l’air, voir du « foutage de gueule » pour être un petit peu moins poli.
Les stations ne jouent pas pleinement leur rôle et mis à part quelques « ARVA parc » ici ou là permettant de s’entraîner à la recherche de victime en avalanche, elles ne font que très peu pour tenter d’éveiller aux risques de la montagne la grande masse des skieurs qui affluent chaque année sûr et en dehors de leur piste.
Les marques s’emparent du sujet de la formation
Pendant de nombreuses années, lorsque nous entendions parler de sécurité, celle-ci se concentrait surtout autour de la tryptique: DVA-Pelle-Sonde. Les années 2000 ont notamment vu une fulgurante amélioration de la technologie des détecteurs de victimes d’avalanche [DVA] qui s’est vue de plus en plus appuyée par des produits annexes, tels que les sac à dos de type airbags depuis les années 2010, qui tendent eux aussi à se démocratiser. Mais une tendance à se suréquiper pour éviter les accidents n’est pas forcément la meilleure des réponses car cela permettra au mieux de réagir rapidement en cas de problème, mais n’améliorera pas l’augmentation des connaissances, qui elle, accroît la prudence.
Ainsi l’accompagnement à la formation autour de ces appareils n’a été que très peu mise en avant. Seuls les clubs alpins et l’ANENA en France, au travers de leur formation neige et avalanche traitent de l’éducation et de la sensibilisation des pratiquants au risque d’avalanche. Mais ces enseignements, très instructifs ont toujours été proposés pour des pratiquants « initiés » inscrits dans des clubs montagne et déjà en lien avec une culture montagnarde un peu plus avanccée.
Il y a quelques années nous avons vu les marques de sécurité s’emparer également de la sensibilisation auprès de leur consommateur. Ainsi la marque française ARVA lança en 2010 un site web dédié à la préparation d’une course. Ce fut une première manière de sensibiliser les pratiquants à la nécessité de préparer une sortie en montagne en fonction de différents éléments. Cette démarche ne fut malheureusement pas poursuivie par la marque ARVA car le site arva-experience.com n’est plus en ligne malheureusement et il fut remplacé par la page arva-equipment.com/experience beaucoup plus modeste et moins intéractive.
Mais ORTOVOX lança en 2013 le « Safety Academy Lab », un excellent support qui participe à l’entretien des connaissances de bases avant de partir en montagne. Ce site a été le fruit d’un travail approdondi et de discussions intenses avec trente des plus grands experts européens en avalanche.
Ce type de support de sensibilisation se veut avant tout être un outil pédagogique et surtout interactif, puisqu’il fait la part belle aux vidéos, ainsi qu’aux modélisations 3D afin d’expliciter au mieux les différents cas de figure pouvant être rencontré sur le terrain. Le site est donc destiné à tous, skieur débutant, randonneur averti, comme expert.
Cette saison c’est au tour des marques Salomon et Atomic de proposer un programme de sensibilisation au risque en montagne. La « Mountain Academy » se veut être un programme qui verra le jour à l’hiver 2015/2016 et qui permettra aux pratiquants de progresser en matière de sécurité en montagne, où les thèmes de la nivologie, météo, secourisme et déplacement seront abordés de manière interactive une fois de plus.

Une prise de conscience ?
A quoi assistons nous actuellement ? Pendant des années les fabricants de matériel et les associations insistaient essentiellement sur la capacité d’un skieur à savoir se servir de son DVA, couplé à l’usage de la pelle et de la sonde. Mise à part les formations « neige et avalanche » proposées par la FFCAM et l’ANENA et quelques associations spécialisées, bien peu de support existaient pour élargir cette nécessaire acquisition de connaissance de la montagne.
Mais actuellement et compte tenu de l’augmentation de ces pratiques [hors piste et du ski de randonnée] par l’intermédiaire du matériel qui facilite l’accès à ces pratiques de la montagne, c’est une prise en considération plus large de la sensibilisation qui s’opèrent grâce à ces nouveaux acteurs et on ne peut que s’ent réjouir.
Cependant la connaissance des « règles du jeu » qui s’imposent à celui qui veut fréquenter la montagne étaient peu ou mal expliquées pour un plus large public. Ce sont l’ignorance et le non-respect de ces règles qui sont dangereux, sous peine d’être confronté à des situations, au mieux inconfortables, au pire mortelles. Les avalanches font partie de ces contraintes qui limitent la pratique de la montagne et à ce titre, elles imposent leurs propres règles du jeu. Fréquenter la montagne enneigée exige de bien les connaître, car on ne peut tenter d’éviter ce que l’on ignore.
Ainsi l’effort doit être porté sur cette transmission de la connaissance et devrait être appuyé par les stations de ski en plus des seuls associations et clubs qui oeuvrent depuis de nombreuses années sur ce terrain. Les fabricants commencent à prendre aussi leur repsonsabilité et apportent quelques réponses et outils à leurs clients. Tous les supports sont bons pour permettre à un plus grand nombre de mieux appréhender une situation donnée en montagne. Mais les autorités publiques, communes, stations de ski, professionnels de la montagne (écoles de ski, bureau des guides) qui vendent également ces services devraient assumer leur responsabilités et contribuer à cette « évangélisation » de la sécurité en montagne.
Le risque serait d’interdire plutôt que de former, sous peine de déresponsabiliser encore plus les skieurs et randonneurs et ainsi empêcher l’apprentissage de la montagne.
Bientôt une certification pour aller en montagne ?
La situation actuelle pourrait nous confronter à des situations nouvelles en terme de réglementation et des dérives sont possibles. Certains acteurs du monde du ski lorgnent déjà sur ce sujet pour tenter de développer des méthodes pédagogiques sur les dangers de la montagne et du ski hors-piste avec pour but de vendre du service et d’imposer des standards de formation sous forme de licenses avec des brevets qui seront enseignés par les écoles de ski et les bureaux des guides. Cette initiative arrive à grand pas du coté Suisse avec pour objectif de s’imposer à un niveau international.
La mise en place d’un brevet de la montagne n’est pas une idée nouvelle. Derrière son côté louable de vouloir prodiguer à chacun un enseignement de base et permettant d’appréhender les situations du risque d’avalanche et de la montagne, elle pourrait aussi devenir une immense porte ouverte comme obligation à respecter avant d’aller en montagne, sans quoi un skieur pourrait se voir imposer une interdiction de se déplacer sur une zone enneigée. Sans crier au loup tout de suite, une telle « normalisation » pourrait rapidement devenir une réponse à un vide juridique souvent mis en avant en cas d’accident. Ainsi cela offrirait une possibilité aux pouvoirs publics afin d’éventuellement se retourner contre un pratiquant en cas d’accident, si toutefois il venait à ne pas posséder un tel brevet…
L’avenir nous le dira mais une chose est sûre, si nous continuons ainsi, il se pourrait bien que notre passion se voit entraver par des réglementations de plus en plus contraignantes et très vite restrictives.
La sensibilisation amont aux risques en montagne est indéniablement un axe sur lequel les choses doivent progresser, mais de là à en venir à des règlementations ou standards à devoir respecter, cela serait selon moi contraire aux principes mêmes de liberté que la pratique de la montagne porte en son sein…



