Depuis plusieurs années, les petites stations de ski peinent à maintenir leurs finances à flot pour couvrir les coûts des investissements passés et, dans certains cas, assurer leur simple survie. La récente fermeture de la station de l’Alpe du Grand Serre, dans l’Isère, annoncée en juin 2025, illustre tragiquement cette crise qui touche de nombreuses petites stations en France et en Suisse.
Un contexte économique et structurel difficile
La France compte 3 370 installations de remontées mécaniques réparties sur ses cinq massifs, mais le vieillissement de ces infrastructures pose des défis croissants. Les coûts de maintenance et de mise aux normes, combinés à une fréquentation souvent insuffisante, placent ces stations devant des choix critiques. De nombreuses petites stations envisagent une réorientation vers un tourisme plus diversifié, axé sur des activités « nature » moins dépendantes de la météo et des infrastructures coûteuses.
Un exemple marquant est celui de Drouzin-le-Mont, au col du Corbier en Haute-Savoie, qui a cessé ses activités de ski alpin dès l’été 2012. Avec seulement seize pistes, quatre téléskis et deux télésièges, cette station fondée en 1973, située à 1 230 mètres d’altitude, n’a pas résisté à la concurrence des grandes stations du Chablais et à un manque de recettes.
La fermeture de Seythenex en 2023 ou encore celle plus récente de l’Alpe du Grand Serre, confrontées à des difficultés similaires, accentuent cette tendance. Ces stations familiales, malgré leurs efforts pour maintenir leur attractivité, n’ont pas pu surmonter les contraintes financières et climatiques.
Le défi du réchauffement climatique
Le réchauffement climatique aggrave ces difficultés, particulièrement pour les stations de moyenne montagne. L’enneigement naturel devient de plus en plus irrégulier, obligeant les stations à recourir à la neige artificielle, coûteuse à produire. L’hiver 2010/2011 a nécessité un usage massif de la neige de culture, tandis que l’hiver 2011/2012, plus enneigé, a permis de préserver le manteau neigeux grâce à des températures plus froides. Ces variations climatiques rendent l’exploitation des petites stations encore plus incertaine.
Fusions et collaborations comme solutions ?
En France comme en Suisse, les petites stations envisagent des fusions ou des collaborations pour mutualiser les coûts d’exploitation, qui ont explosé ces dernières années. Les nouvelles technologies pour le damage ou l’enneigement artificiel, ainsi que les réglementations exigeant des installations plus sécurisées, alourdissent les budgets.
Un exemple positif est celui de La Giettaz, en Savoie, qui a intégré le domaine skiable Évasion en se connectant à Combloux et Megève. Cette stratégie a permis de mutualiser les coûts et d’augmenter l’attractivité de la station. En revanche, l’Alpe du Grand Serre n’a pas bénéficié d’une telle intégration, ce qui a contribué à sa fermeture.
En 2006, la station de Saint-Pierre-de-Chartreuse a évité un sort similaire grâce à une souscription publique de 600 000 € (rémunérée à 3,5 %) pour financer un télésiège de 4,8 millions d’euros. Dans la vallée du Queyras, les sept stations village cumulent un déficit de plus de 500 000 € depuis 2007, dont 250 000 € pour la seule année 2012. Confrontées à une fréquentation stable, des investissements coûteux et un manque d’hébergements modernes, elles envisagent de limiter l’exploitation de certaines remontées mécaniques pour réduire les coûts.
La situation en Suisse
En Suisse, la situation est similaire. La station de Super-Saint-Bernard, en Valais, a fait faillite en 2011, incapable de financer la rénovation de sa télécabine principale. Le franc fort a aggravé la crise pour de nombreuses stations suisses, notamment en Valais, équivalent savoyard pour le tourisme hivernal.
À Champex-Lac, la société Téléchampex SA a lancé en 2012 une opération de financement participatif visant à collecter 2,5 millions de francs suisses pour mettre ses installations aux normes de sécurité, sous peine de perdre son autorisation d’exploitation d’ici 2035. Ce type de mobilisation, impliquant institutions publiques et dons privés, montre l’urgence de préserver ces infrastructures pour l’économie locale.
L’impact du modèle d’hébergement
Une étude réalisée par Atout France, la Caisse des Dépôts, Rhône-Alpes Tourisme, Savoie Mont Blanc Tourisme et Domaines Skiables de France (DSF) pour la saison 2011/2012 révèle que les skieurs et leurs accompagnants ont généré 6,5 milliards d’euros de dépenses dans les stations de Rhône-Alpes, dont 89 % en Savoie Mont-Blanc. Les clientèles internationales, représentant 34 % des dépenses, dépensent en moyenne 136,5 €/nuit/personne, contre 108 € pour les Français. Les grandes stations concentrent 65 % des dépenses, contre 20 % pour les stations moyennes et 16 % pour les petites stations.
L’étude montre également qu’un euro dépensé en remontées mécaniques génère en moyenne six euros de dépenses additionnelles, avec un effet plus marqué dans les grandes stations en raison de leur offre de services plus étoffée. Le mode d’hébergement joue un rôle clé : les stations offrant des services modernes et variés attirent davantage de visiteurs. La fermeture de l’Alpe du Grand Serre souligne l’urgence de moderniser les infrastructures d’hébergement pour rester compétitif.
Trois types de domaines skiables
On distingue aujourd’hui trois catégories de domaines skiables :
- Les grandes stations attirant une clientèle internationale grâce à une offre dense d’hébergements et de services.
- Les stations de niche, qui captent une clientèle spécifique avec une offre ciblée.
- Les stations intermédiaires, comme l’Alpe du Grand Serre, qui peinent à survivre faute d’appartenir à l’une des deux premières catégories.
Quel avenir pour les petites stations ?
La crise économique, le tarissement des financements publics et le réchauffement climatique poussent les petites stations à repenser leur modèle économique. La fermeture de l’Alpe du Grand Serre est un signal d’alarme pour les autres stations de taille similaire. Le ski restera une activité centrale, mais la diversification vers un tourisme durable, avec des activités accessibles toute l’année, semble être une solution viable. Randonnée, VTT, tourisme culturel ou thermalisme pourraient compenser la dépendance au ski et assurer la pérennité de ces stations.
En conclusion, les petites stations doivent innover et s’adapter rapidement. La diversification, soutenue par des investissements ciblés et des collaborations stratégiques, est essentielle pour éviter d’autres fermetures comme celle de l’Alpe du Grand Serre et préserver l’économie locale des régions de montagne.
Sources :
« La faillite menace les stations de ski valaisannes », Le Temps par Marie Parvex, 11.04.2012
« Fermeture de la station de Drouzin-le-Mont : ambiance tendue dans la commune », Le Messager par Emmanuel Rouxel, 23.08.2012
Synthèse étude « Atout France » à paraître en novembre 2012
telechampex.ch
http://www.domaines-skiables.fr/
http://www.remontees-mecaniques.net/
http://alpesdusud.alpes1.com/infos/infos-locales?id_news=22849





