Le temps passe et ce blog mûri, s’enrichit et évolue à mesure que les hivers défilent. De quelques pages personnelles, ce site est devenu un blog de ski de randonnée amateur, suivi et lu par des passionnés, des curieux et pas mal d’amoureux du ski de rando. Voilà 20 ans que l’aventure Ski-Libre.com a débutée, petit coup d’œil dans le rétro pour parler de tout cela.
1996
Ce sont les années lycée et ce sera surtout l’hiver de la découverte du ski de rando. Avec à mon pote François Béruard et encadré par son papa, cadre au CAF d’Annecy, je découvre le ski de rando au travers des classiques d’initiations que sont Sulens, le col de Tulle ou encore le col de Balafrasse, du côté des Aravis et des Bornes.
Mes parents m’ont transmis le virus du ski depuis tout petit. La découverte du ski hors-piste avec mon papa dès mes 10-11 ans a suscité un grand intérêt chez moi. Cette même année, mes parents me permettent de réaliser ma première randonnée en altitude avec un guide, en skiant le glacier de Gebroulaz en boucle depuis Val Thorens. Une journée féerique avec 30cm de poudreuse froide et légère, le virus est pris, définitivement.
1998
Le baccalauréat en poche je m’assieds sur les bancs de l’Université de Savoie, en IUT spécialité GEII. Les premiers mois passent et au cours de l’hiver nous devons faire un projet d’étude en cours d’informatique. C’est ainsi qu’avec mon ami François nous décidons de créer chacun nos pages personnelles parlant de ski et de montagne : Ski-Libre et Montagnes d’Annecy naissent.
Premières bannières du site v1.0 (1998)
Nous avons tous deux l’envie de créer nos pages personnelles afin de pouvoir parler de nos passions respectives qui sont le ski hors-piste et de randonnée et que nous pratiquons tous deux. Le Web n’en était qu’à ses prémisses, tout le monde se lançait et publiait quelques photos et autres textes en utilisant cette populaire mais non moins horrible police Comic Sans MS !!!
2003
Premier boulot en poche, je passe tous les week-ends en montagne et je mets toutes mes économies dans mes premiers voyages à ski de rando, avec notamment mon premier trip en Nouvelle-Zélande en 2004. Le site connaît sa première vraie refonte avec une volonté d’aborder un peu plus des sujets d’évolutions du matériel et de sécurité. La mise en forme du site subit une première évolution, mais je m’amusais encore à tout développer dans mon coin…
Les différentes versions du logo du site |
2007
Les voyages continuent, Chili, Pologne, Norvège… Je décide de me simplifier la vie et je découvre alors les merveilles de wordpress et migre l’ensemble de mon site sur cette plate-forme. Je commence à suivre un peu plus finement qui sont mes lecteurs et me rends vite compte que mes topos ne les intéressent guère, trouvant d’autres sites bien plus fournis du côté de CampToCamp ou de Skitour.
Cependant je constate que mes lecteurs sont friands de sujets sur le matériel, la sécurité, l’évolution de notre pratique. Car oui, ces années marquent une vraie bascule dans l’intérêt qui était jusqu’alors porté au ski de randonnée.
Je décide de quitter les hébergeurs gratuits pour du payant, donnant un ton beaucoup plus professionnel et qualitatif au site, j’investis dans quelques thèmes wordpress afin d’avoir une maquette « responsive » permettant de mettre en forme convenablement les articles sur tous les supports possibles.
En prenant un peu de recul, je me rends compte petit à petit que l’intérêt porté à ce modeste blog, suit bon an mal an l’évolution du ski de randonnée qui commence à gagner en reconnaissance dans le milieu des sports d’hiver.
Du ringard au super « trendy»… la mue du ski de randonnée !
A la fin des années 1990, avoir 20 ans et pratiquer le ski de rando n’était pas synonyme d’être à la mode. Ça tombe bien, je m’en foutais pas mal, je découvrais une activité qui m’amenait à élargir ma perception de la pratique de la montagne sur des planches et cela me convenait très bien. L’époque était au freestyle, au freeride, les jeunes étaient encore très tournés vers la pratique du snowboard et François et moi « galérions » au CAF d’Annecy pour trouver des jeunes avec qui sortir pour coller des peaux…
Mes premières économies passaient dans l’achat de matos, ma première paire de fixation Fritschi Diamir Camel Trophy (collector !), une paire de Scarpa Denalli que j’ai skié pendant 10 ans. Pas d’inserts, pas de course au poids, des skis de bosses montés en rando (Dynastar Assault v6), un ARVA 8000 acheté d’occasion à mon voisin et en route la troupe !
Pour l’anecdote, je me souviens à cette époque avoir passé des entretiens pour trouver un stage étudiant. J’avais notamment été en entretien avec Rossignol, Salomon et d’autres marques de montagne qui étaient représentées sur les forums étudiants. Lorsque je leur disais que je faisais de la rando, j’avais du mal à créer l’étincelle dans leurs yeux… même s’ils ne jugeaient pas les candidats que sur leur pratique, bien heureusement.
Vingt ans après, la tendance est tout autre et on en arriverait presque à une pratique de masse ! La rando est à la mode, c’est un sport sain, qui porte des valeurs de nature, d’authenticité, de respect de l’environnement par son approche douce, tout ce qui est dans l’air du temps. Au gré de cette ferveur de plus en plus grande, j’ai ainsi vu mon audience grandir, les courriels arrivés plus nombreux dans ma boîte aux lettres, bref j’ai pris conscience que le ringard commençait à plaire sévèrement.
C’est à ce moment que je me suis également rendu compte que quasiment personne ne parlait de ski de rando sur la toile. Il n’y avait aucun site spécialisé, très peu de blogs francophones sur le sujet, et les grands sites parlant de ski n’avaient pas encore pris le virage de la rando. Seuls quelques bonnes pages perso commençaient à se distinguer, comme celles de Sylvio Egea qui lança brillamment quelques années plus tard Ski Rando Mag, avec le succès qu’on lui connaît. Nous échangions tous les deux d’ailleurs, dès 2005, sur nos voyages respectifs au Chili à la conquête des volcans de l’Araucanie.
Comme cela me plaisait de parler de ski de rando, que j’étais curieux de découvrir certaines nouveautés et d’en parler, j’ai ainsi commencé à contacter quelques marques, à faire jouer mon réseau d’amis sur Annecy où se trouvent beaucoup de marques de ski, afin de pouvoir tester du matériel et pouvoir en parler librement sur mon blog. Mes connaissances chez Nic-Impex, Eider, Salomon, Scott ont tous joués le jeu ce qui fut fort appréciable de leur part.
La place des blogs sur la toile
Cependant certaines marques n’étaient pas du tout ouvertes à collaborer avec des blogs, certainement pas encore conscientes de ce que « la toile » pourrait leur apporter en termes de communication et d’image. Beaucoup n’avait pas encore perçu la force des blogs, avec leur liberté de parole [parfois plus ou moins maîtrisée et objective, il faut aussi le reconnaître] mais qui peut aussi offrir un angle et une mise en perspective différente d’un produit, d’une nouveauté.
L’avis d’un blog n’est que celui de son auteur, il n’a bien entendu pas vocation à être considéré comme parole d’évangile, mais il permet de faire apparaître certaines petites choses que la communication classique des marques ne fera voir. D’autres marques ont en revanche très rapidement compris cela. Comment faire porter une partie de sa communication au travers d’un média dont elles ne sont pas à l’origine ? La blogosphère permet en effet d’amplifier la portée de la communication des entreprises et leur permet de gagner de l’influence, cela peut être un pari risqué mais qui vaut le coup d’être pris si l’on a pleinement confiance en la valeur de ses produits. Je n’ai d’ailleurs jamais été censuré ou remis en place par une quelconque marque, je tiens à le souligner.
«Bref j’ai pris conscience que le ringard commençait à plaire…»
Cette liberté offerte au blogueur que je suis devenu, m’a également fortement fait réfléchir sur la ligne éditoriale à tenir, même si je ne suis pas journaliste. On a coutume de dire qu’on peut parler de tout. S’agissant du blogueur il semble que ce principe soit applicable, sous réserve qu’il s’astreigne à quelques règles personnelles, ce que j’ai constamment essayé de faire. Force est de constater que le blogueur est libre et que justement c’est cette liberté qui fait son originalité. Le contenu d’un blog ne devient intéressant que dans la mesure où il est original. Appréhender une telle démarche amène le blogueur à s’exposer volontiers à la critique, ce qui n’est pas toujours facile. Je l’ai également appris au travers de quelques articles plus ou moins polémiques, qui avaient suscité certaines réactions.
La pratique ski de randonnée : à l’image de notre époque ?
Société de consommation où tout va très vite, où il est important d’exister dans une communauté, de pouvoir montrer des choses et de recueillir le sentiment des autres, les réseaux sociaux ont accentué ce besoin d’instantanéité. On passe de plus en plus vite sur les choses, on se doit d’exister dans le moment présent, quitte à ce que l’on vous oublie la minute suivante.
C’est tout le paradoxe avec la pratique du ski de randonnée, qui peut s’apparenter à un processus long, parfois fastidieux pour celui qui souhaite progresser, tant à la montée qu’à la descente. Choix de la trace, observations du manteau neigeux, lecture de carte, appropriation des conditions météorologiques souvent changeantes, tout ceci ne s’acquiert pas comme cela, quand bien même cela pourrait s’acquérir pour toujours…
Personnellement, c’est ce que j’apprécie le plus dans la pratique du ski de randonnée, ce sont ces temps longs. Ceux que l’on peut savourer, observer, préparer. Ces moments d’attentes et de longues discussions à refaire le monde dans un refuge, sans téléphone ni télévision. Ces moments à regarder des cartes sur lesquelles on refait la trace du jour avec son doigt. Perdre son temps à être heureux de repenser à sa journée et d’imaginer les suivantes, sont des éléments qui me remplissent de joie. Une joie simple comme celle d’aller en montagne, quelle qu’elle soit.
« Ces moments à regarder des cartes sur lesquelles on refait la trace du jour avec son doigt. »
Alors aujourd’hui la randonnée évolue, je me suis longuement exprimé sur ce sujet. Je reste surpris par certaines évolutions qui me semblent plus être imposées que naturelles. Notamment celle qui voudrait « parquer » le randonneur et le rapprocher des stations dont il s’est constamment éloigné. On veut nous faire rentrer dans des catégories, tantôt freerandonneur, tantôt skieur de pente raide, parfois alpiniste ou encore skieur fitness. C’est à croire que même le skieur classique n’existerait plus, ah oui on dit de lui qu’il est un skieur « contemplatif »… ah oui je m’égare de nouveau sur ce sujet.
Je me dis alors que c’est certainement l’époque qui veut cela, où alors simplement le fait que le ski de randonnée est le seul segment en croissance dans le monde du ski actuellement… ne cherchez plus, on a trouvé !
«…un parcours gratuit de ski de randonnée accessible par un télésiège à 16 euros.»
Cédric Sapin-Defour, billet d’humeur du 26.02.2018.
Dorénavant les sites internet spécialisés fleurissent et les espaces de ski de rando apparaissent dans toutes les stations, on lit « Domaine Rando », « piste 100% rando », « Guide des stations de rando à ski »… Un nouveau modèle économique cherche à trouver sa place autour du ski de randonnée, un business que les stations souhaitent exploiter et que même les JO souhaitent mettre à leur programme.
Tout le monde parle de rando, tout le monde doit faire de la rando, sans cela tout skieur qui se mérite sera passé à côté de LA nouvelle expérience à vivre, le truc à faire avant ses 30 ans parmi une liste de 30 activités. On parle même du « syndrome du saut à l’élastique », évoqué dans ce billet qui résume bien à lui tout seul la tendance et la volonté d’ancrer ce rapprochement avec les stations.
On parle donc plus d’un business que d’une pratique dorénavant, où comment faire fructifier l’explosion de cette tendance plutôt que de la vivre ? Sur Ski-Libre je préfère parler de comment vivre et ressentir cette pratique, plutôt que de comment l’exploiter, c’est un parti pris. Et comme je n’ai aucun intérêt pécuniaire derrière tout cela et je suis tout de suite beaucoup plus serein à en parler de la sorte.
Mais si j’arrête quelques instants de faire mon vieux con, il est tout de même intéressant de constater que cet engouement nous a permis de bénéficier d’un matériel en constante évolution. Quel sport peut actuellement se targuer d’avoir bénéficié d’autant d’évolutions en une décennie ? Réfléchissez bien, il y en a peu. De ce point de vue, nous avons été les observateurs et bénéficiaires de cette tendance qui a poussé indéniablement notre pratique.
Et pour continuer dans la même veine, en lisant ces quelques lignes peut-être êtes-vous en train de vous dire : « Sans tout cela, il y aurait beaucoup moins de gens pour lire ta soupe ? » C’est tout à fait vrai, et dire que Ski-Libre fait allègrement partie de ce barnum que je dénonce… merde je suis pris à mon propre piège !
Paradoxalement, derrière tout cet engouement je constate que passé le 1er avril, on entend beaucoup moins parlé de ski de randonnée… et pourtant on est au cœur de la saison de ski de rando, autre paradoxe de notre époque. Mais ne vous inquiétez pas, ils seront tous prêts à dégainer à la première neige tombée en octobre pour rallumer la flamme des randonneurs crayonneurs de semelles.
« Au ski sur herbe du mois d’octobre, je préfère la moquette du mois d’avril…»
Alors, prenons rendez-vous dans 20 ans !
Alors voilà, derrière ce long article où je dis plein de chose mais finalement ne dis peut-être pas grand chose, j’espère juste que dans 20 ans je pourrai continuer à écrire un article du même type et vous livrer une même analyse (ou pas !).
Je constate que les évolutions du site ont suivi le même rythme que celles du ski de randonnée au cours de ces 20 dernières années. D’un site qui n’était qu’une succession de pages personnelles au site actuel, les évolutions ont été nombreuses, les heures passées derrière mon clavier également. Souvent après avoir couché mes deux enfants, ou sur les pauses de midi avec un sandwich à côté du clavier, j’écris quelques lignes, mets en forme un article, un topo, une galerie d’images. Toujours épaulé par ma femme qui m’aide à relire mes articles et avec qui je partage aussi le plaisir de cette pratique.
Qu’en sera-t-il de la pratique du ski de randonnée dans 20 ans ? Sera-t-elle encore autant à la mode qu’elle ne l’est aujourd’hui ? Des gens auront-ils encore envie de lire ce blog ?
J’aurais certainement eu le temps de me ringardiser, peut être un juste retour à la normale… Une chose est sûre, et indépendamment des modes, il restera toujours des skieurs de randonnée, de ceux qui se fichent pas mal de tout ce bruit plus ou moins fort autour de leur passion, de ces skieurs qui prendront toujours autant de plaisir à coller les peaux pour découvrir, profiter de ces beaux espaces que nous offre la montagne, et c’est bien là le principal, qu’ils lisent ou non ce modeste blog.
Bon ski à tous !
En quelques chiffres depuis 2007 et la refonte wordpress du site, Ski-Libre c’est :
>> 504 articles publiés dont,
– 130 topos
– 223 articles (news, infos, vidéos…)
– 151 revues de matos et tests
>>~90’000 visiteurs uniques par an
>> entre 400’000 et 500’000 pages vues par an.
Ce n’est pas Byzance mais ce n’est déjà pas si mal, merci à vous tous pour votre fidélité !