Fragilité du manteau neigeux dans les Alpes au cours de l’hiver 2013/2014

picto_neige-avalanche Nous sommes presque au milieu de l’hiver météorologique et le début de cette saison 2013/2014 est particulièrement accidentogène dans nos montagnes, les accidents se sont enchaînés et la stabilité du manteau neigeux est exécrable en de nombreuses pentes. Malheureusement plusieurs vies ont déjà été emportées dans nos montagnes, aussi bien côté français que suisse.

Un bilan lourd pour ce début d’hiver

Le bilan actuel est lourd en terme de victimes, en France l’Anena a recensé 19 accidents d’avalanche, impliquant le décès de 7 personnes (en date du : 07/01/2014). En Suisse l’institut pour l’étude de la neige et des avalanches SLF a recensé 12 accidents mortel (en date du : 07/01/2014).

De nombreux experts interviennent dans les médias pour expliquer, informer et analyser la situation actuelle. Des personnes comme Alain Duclos en France (spécialiste avalanches – haute montagne, domaines skiables, voies de communication) ou encore Robert Bolognesi en Suisse (nivologue, directeur Meteorisk) sont actuellement présents pour répondre, informer et sensibiliser quant aux risques.

Un manteau neigeux extrêmement fragile en profondeur

Cette situation est essentiellement due à un manteau neigeux constitué de couches fragiles datant des premières chutes de neige de début décembre 2013 qui se sont transformées en grain sans cohésion : de type givre, faces planes ou gobelets, enfouis sous les récentes couches de neige fraîche créant une instabilité forte du manteau au passage d’un skieur.

L’institut pour l’étude de la neige et des avalanches SLF détaillait la situation dans son bulletin de début janvier 2014:

Après un début d’hiver très calme avec peu de neige, les chutes de neige de Noël 2013 combinées à un vent de secteur variable et à un manteau fragile de neige ancienne dans de nombreuses régions ont donné lieu à une situation avalancheuse très critique pour la pratique des sports de neige en dehors des pistes. Le manteau neigeux fragile et la persistance d’un risque élevé de déclenchement d’avalanches associé à du beau temps et à la présence de nombreux randonneurs et freeriders pendant les vacances de Noël ont entraîné quasi quotidiennement des accidents impliquant des personnes. Au cours de cette période examinée par le rapport hebdomadaire, six personnes ont perdu la vie dans des accidents d’avalanche.

Après un début d’hiver avec peu de neige, le manteau de neige ancienne se composait généralement de cristaux anguleux métamorphosés et était très souvent fragile. Cette situation prévalait dans toutes les régions des Alpes suisses et à toutes les expositions, mais tout particulièrement sur les pentes de haute altitude exposées au nord. Les couches de neige fraîche et de neige soufflée des jours de Noël formaient une plaque de neige « parfaite » sur ce fondement fragile. La constitution du manteau neigeux était par conséquent très défavorable.

Voici ci-dessous quelques vidéos explicatives de Robert Bolognesi sur les chaînes Suisse de la RTS et Canal 9 :

A noter d’ailleurs le très bon fil sur le forum de nos amis de Skitour.fr, où Alain Duclos répond aux questions des randonneurs tout au long de la saison, et plus particulièrement dans cette période complexe en terme de nivologie.

Quelles réponses apporter ?

Ce début de saison soulève de nombreuses questions à la fois sur la prévention et les actions à mener afin de tenter de diminuer la prise de risque, mais également sur le comportement des skieurs et notamment au regard du discours qui leur serait tenu.

Une interview du skieur suisse Dominique Perret, parue dans le journal Suisse le Matin le 06.01.2014, aborde la problématique de l’équipement de sécurité qui prend le dessus sur la connaissance et la formation face au risque d’avalanche, je cite:

Ça me rend fou de voir tant de gens investir 700 à 1000 fr. [580€ à 833€] dans un sac ABS mais rechigner à mettre de l’argent dans un cours avalanche ou ski hors piste. Cette surconsommation confère un sentiment d’invulnérabilité dangereux et trompeur. En s’équipant à outrance, manipulé par le marketing mais sans forcément avoir les connaissances nécessaires, on se met en position de réagir à un accident, alors qu’on devrait apprendre à estimer le risque et à l’éviter s’il est trop élevé.

Certains professionnels en appellent aux politiques et aux organisations professionnelles du milieu montagnard pour faire changer les mentalités et agir autrement. Certains appelleront à une plus grande sévérité, à de plus grandes restrictions stériles, alors que c’est au travers de la formation et de l’éducation des pratiquants qu’il faut agir. Si le coût du matériel et des formations sont souvent mis en avant comme pouvant être un frein, ne serait-il pas plus judicieux de coupler l’acte d’achat d’un équipement à de la formation afin de répandre plus largement la connaissance auprès des skieurs ?

Sans faire recours à la mise en place d’un permis qui ne ferait qu’enfermer notre pratique dans un arsenal législatif très restrictif et difficile à contrôler, des recyclages « neige et avalanches » devraient être mis en place de manière plus organisée et ouverts au grand public afin de permettre de transmettre les connaissances de base du manteau neigeux. Aujourd’hui seuls les pratiquants en club sont informés de l’existence de ces journées de formation, leur diffusion n’est encore que trop faible auprès des skieurs concernés.

L’association suisse des guides de montagne (ASGM) réfléchit ainsi à étoffer l’offre de formation des cours sur les avalanches, a déclaré le 07.01.2014 Pierre Mathey, son président.

Encore un grand nombre de pratiquants de ski hors piste ne disposent pas du matériel de sécurité de base à savoir un DVA, une pelle et une sonde et ne consultent pas les bulletins d’estimation du risque d’avalanches (BERA) avant de partir faire une course en montagne. Alors lorsque l’on parle ensuite de choix d’orientation de pentes, d’évitement des accumulations de neige ventée, de réalisation de coupes de neige , de prise en compte du niveau d’un groupe, de formation à la recherche DVA en amont; il y a un chemin très long à combler rapidement.

Il serait enfin peut-être bon que l’échelle européenne de risque d’avalanche, qui s’étend de 1 à 5, puisse évoluer vers une granularité plus fine, de type «3- / 3 / 3+» ou «3a / 3b / 3c» afin de permettre d’exprimer plus finement les conditions nivologiques.

La randonnée à skis se popularise de plus en plus et la montagne doit rester un espace de liberté mais les règles et les connaissances qui doivent l’accompagner nécessitent d’être mieux répandues et comprises.

Enfin, alors qu’en Suisse les principaux médias couvrent ces accidents et tentent de comprendre et d’aborder le sujet de la sécurité et de la formation face aux risque d’avalanche, les médias nationaux Français ne traitent que très peu ce problème, en tous cas sur le fond, et n’abordent malheureusement que l’aspect émotionnel et sensationaliste de ces évènements. Seuls les médias locaux s’enquièrent de cette tâche mais la portée du message est moindre.

Il est vrai que la Suisse a une plus grande sensibilité montagnarde que la France, certains amalgames que l’on peut entendre sur le hors piste et le ski de randonnée sont donc moins présents (sans être inexistants) chez nos voisins helvètes mais le nombre de pratiquants à ski de randonnée rapporté à la population totale y est également plus élevée. Ceci explique peut-être cela mais je ne peux qu’être attristé devant le peu de réactions côté français…

Formations disponibles

Sans être exhaustif bien entendu, vous trouverez au bas de cet article quelques formations dispensées par l’Anena, conduites par des guides de haute montagne harmonisés par l’Anena, en partenariat avec la FFCAM. Les week-ends « traces », à skis ou à raquettes, ont pour but d’apporter une meilleure capacité à « lire » la montagne hivernale, à tendre vers l’autonomie et/ou progresser dans la gestion de groupe et la prise de décision.

Ces formations sont présentes sur l’ensemble de nos massifs. Pour un week-end, « suivre la trace », « suivre la trace en raquettes », ou « faire la trace » :
http://www.anena.org/ et http://www.montagnesdelaterre.com/stages-anenaffcam.html

Enfin, découvrez les nouveautés de la boutique en ligne de l’ANENA et devenez membre et/ou abonnez-vous à la revue « Neige et Avalanches ». Suivez le cycle de conférences déployé sur tout le territoire : http://boutique.anena.org/

Pour toute autre demande, écrivez à : info@anena.org

Enfin voici une dernière vidéo très instructive sur les méchanismes de déclenchement d’une plaque reposant sur une couche fragile, très instructif:

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