Quel avenir pour les petits domaines skiables ?

Depuis plusieurs années, les stations de petites tailles ont de plus en plus de difficultés à maintenir leurs finances à flots pour supporter les coûts de leurs investissements passés et parfois tout simplement maintenir leur existence.

La France ne compte pas moins de 3 370 installations réparties sur les 5 massifs français et le vieillissement de certaines remontées mécaniques mène de plus en plus de stations devant de grosses difficultés.

La liste des stations qui se posent la question d’une  réorientation du tourisme liée à la pratique du ski vers d’autres activités plus « nature  » et moins dépendantes de  la météo ainsi que d’infrastructures coûteuses à entretenir, s’allonge année après année.

A tel point que la petite station de ski à Drouzin-le-Mont, au col du Corbier en Haute-Savoie, a décidé de stopper l’activité de la station de ski au cours de l’été 2012. Cette station fondée en 1973, pourrait en effet fermer ses pistes de ski alpin d’ici au cours de cet hiver. En cause, le manque de recettes. Avec seulement seize pistes, quatre téléskis et deux télésièges, Drouzin-le-Mont, située à 1230 mètres d’alti­tude, attire peu de monde et fait face à la concurrence des plus grandes stations du Chablais.

Avec un chiffre d’affaires parfois insuffisant pour réaliser les investissements nécessaires au renouvellement des autorisations d’exploiter, les remontées mécaniques sont toujours plus nombreuses à appeler des partenaires privés à leur secours.

De plus le  réchauffement climatique est dorénavant une réalité qui accentue la problématique de l’enneigement naturel devenant de plus en plus inégal année après année, surtout pour les stations de moyennes montagnes. Les hivers se suivent et ne se ressemblent pas. Celui de l’année 2010/2011 avait exigé un recours massif à la neige “de culture” pour beaucoup de stations alors que 2011/2012 fut plus prolifique en neige avec un froid qui favorisa la conservation du manteau.

France et Suisse, les petites stations sont à la même enseigne.

Que ce soit en France ou en Suisse voisine, ces petites stations sont toujours plus souvent contraintes d’envisager des fusions ou des collaborations en raison notamment des frais d’exploitation qui ont considérablement augmenté ces dernières années. Les nouveautés techniques pour le damage où l’enneigement artificiel coûtent également cher. Enfin de nouvelles réglementations exigent de meilleures installations pour notamment garantir plus de sécurité.

On peut noter l’exemple du village de la Giettaz en Savoie, qui au risque de fermer ses installations et de perdre les emplois associés, décida d’inégrer le domaine Evasion et se reliant aux  stations de Combloux et de Megève pour intégrer un espace plus conséquent et ainsi permettre de supporter la charge des investissements et augmenter l’attractivité de cette petite station familiale.

On se souvient également que  les élus de la station de Saint-Pierre de Chartreuse dûrent  faire appel à une souscription publique en 2006 pour financer le remplacement d’un télésiège dont le budget s’élevait à 4,8 millions d’euros.  Ils avaient décidé de lancer une souscription d’un montant de 600 000 € (rémunérée à 3,5%)  et ainsi trouver les financements nécessaires. Sans cela l’avenir de la station aurait été fortement remis en cause.

De même pour les sept stations village de la Vallée du Queyras qui cumulent depuis 2007 un déficit d’un peu plus d’un demi-million d’euros, dont 250 000 euros pour la seule année de 2012. Les stations du Queyras sont confrontées à une réalité : trop de remontées, une fréquentation quasi stable, des investissements coûteux, une concurrence acharnée et un manque de capacité d’hébergements. Afin de réduire le coût de fonctionnement, la régie des remontées mécaniques des stations de ski du Queyras envisage de continuer à ne pas exploiter certaines remontées mécaniques cette saison. Reste également le problème de l’hébergement : certains bâtiments trop anciens doivent être réaménagés et l’offre de service est moindre que dans d’autres stations. Près de 2 000 lits doivent être construits afin de dynamiser la fréquentation touristique. Cependant, les communes du Queyras ont aujourd’hui du mal à faire venir de nouveau promoteur dans la vallée.

De l’autre côté de la frontière en Suisse, les cabines de la station du Super-Saint-Bernard en Valais ne sont plus que des épaves posées sur le sol. En 2011, les remontées mécaniques de cette petite station, très bien connue des freeriders et autres randonneurs, ont fait faillite faute de moyens pour rénover la télécabine principale. Aujourd’hui, la Suisse subit la crise liée à son franc fort, qui met de nombreuses sociétés de remontées mécaniques en situation critique, notamment en Valais, l’équivalent de la Savoie en France pour l’activité touristique liée aux sports d’hiver.

Le mode d’hébergement impacte la pérénité des domaines skiables.

Les conclusions d’une enquête donne une évaluation portant sur les dépenses des skieurs. A la demande de Atout France, la Caisse des Dépôts, Rhône-Alpes Tourisme, Savoie Mont Blanc Tourisme et Domaines Skiables de France (DSF), cette étude révèle que les skieurs et leurs accompagnants ont généré, lors de la saison hiver 2011/12, un peu plus de 6,5 milliards d’euros de dépenses dans les stations de montagne de Rhône Alpes, dont 89% en Savoie-Mont Blanc.

De plus cette enquête révèle l’importance stratégique des clientèles internationales qui pèsent pour 34% du total des dépenses, avec une dépense moyenne de 136,5 €/nuit/personne, contre 108 €/nuit/personne pour le client français.

Enfin cette étude note une forte concentration géographique avec 65 % du total des dépenses qui est réalisé dans les grandes stations (soit générant un chiffre d’affaires remontées mécaniques supérieur à 25 M€), 20% dans les stations moyennes (soit générant un chiffre d’affaires remontées mécaniques compris entre 10 et 25 M€), et 16 % dans les plus petites stations.

On constate ainsi un effet de levier important car il est apparu que pour 1€ de dépense en remontées mécaniques cela génère en moyenne 6€ de dépenses additionnelles en station. Celles-ci varient selon la taille des stations, la dépense additionnelle est 12 % plus importante en grande station qu’en petite station, notamment en raison d’une offre de service plus large.

Le mode d’hébergement et les services qui les accompagnent, impactent fortement le niveau de dépense et le marché réglera la question du nombre de remontées mécaniques et de leur fusion, car on peut constater qu’il existe aujourd’hui trois types de domaines skiables :

1. Les domaines qui attirent une clientèle internationale avec une offre d’hébergement et de services denses,
2. Les domaines qui ont trouvé un marché de niche et qui sont arrivés à capter une clientèle spécifique,
3. Enfin les stations qui ne sont ni l’un ni l’autre, et qui ne survivront pas si elles ne parviennent pas à faire partie de l’une ou l’autre des deux premières catégories.

Un exemple en Suisse, la société d’exploitation Téléchampex SA.

De nombreuses sociétés de remontées mécaniques doivent réaliser des travaux de mise en conformité, à faire tous les 30 ans environ et bon nombre de petites stations se trouvent face à cette échéance souvent lourde de conséquences.

Les remontées mécaniques de la petite station de Champex-Lac, dans le Valais en Suisse, sont dans l’obligation, pour continuer à exister, de se mettre en conformité avec les nouvelles normes de sécurité. Afin de suivre les directives de l’Office Fédéral des Transports Suisse plusieurs projets ont vu le jour et celui de remettre à jour les installations existantes s’est imposé comme le plus viable au niveau financier mais aussi dans sa longévité car cette remise en conformité serait valable pour une durée d’exploitation minimum de 20 ans.

Cependant l’Office fédéral Suisse des transports (OFT) n’a pas l’intention de tergiverser. La société de remontées mécaniques qui a obtenu le renouvellement de la concession jusqu’en 2035 doit impérativement se mettre aux normes actuelles en matière de sécurité, sinon l’autorisation d’exploiter lui sera purement et simplement retirée.

Ainsi une opération survie a été lancée au début de l’été 2012 pour que d’ici à la fin novembre 2012, elle vise à réunir un montant de 2,5 millions de francs suisse pour la mise en conformité de l’installation principale et le renforcement de l’offre touristique locale.

Les institutions publiques ont décider d’apporter leur soutien, mais elles ne pourront pas à elles seules sauver les remontées et il a été pensé de faire appel aux dons de particuliers, résidents, commerçants, acteurs du tissu économique ou tout simplement aux amoureux de Champex-Lac pour le reste du financement. (le détail de la souscription ici)

La perte d’une telle infrastructure touristique serait très préjudiciable pour l’économie locale de cette petite station et elle pourrait même affecter les valeurs immobilières. Champex est donc le parfait exemple de ces micro stations qui n’ont pas de grand domaine à proximité et que ne peuvent donc que survivre par leurs propres moyens.

Un modèle à revoir complètement ?

Alors quel avenir pour ces petits domaines skiables ? Derrière ce constat rapide, la crise économique actuelle et le tarissement des finances publiques n’annoncent rien de bons pour les petits acteurs indépendants ou autres exploitants de remontées mécaniques.

Aujourd’hui, alors que la saison d’hiver va s’ouvrir et que des choix se profilent à nouveau, ces stations devront avoir le courage de regarder la réalité en face : le modèle économique des stations est certainement à revoir. Et le plus tôt sera le mieux, afin de pourquoi pas, sortir de ce modèle entièrement dédié au ski.

Il ne fait pas de doute que le ski restera l’activité saisonnière majeure, pour la plupart des stations mais d’autres ressources sont aujourd’hui à la portée des stations alpines, même des plus petites. Nul doute que la voie de la diversification, portée par un tourisme plus responsable et plus durable, qui permette des activités tout au long de l’année (4 saisons) pour un public élargi, sera certainement une porte de sortie à bien des stations.


Sources
:
« La faillite menace les stations de ski valaisannes », Le Temps par Marie Parvex, 11.04.2012
« Fermeture de la station de Drouzin-le-Mont : ambiance tendue dans la commune », Le Messager par Emmanuel Rouxel, 23.08.2012
Synthèse étude « Atout France » à paraître en novembre 2012

telechampex.ch

http://www.domaines-skiables.fr/

http://www.remontees-mecaniques.net/
http://alpesdusud.alpes1.com/infos/infos-locales?id_news=22849

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