Non, le ski de rando n’a pas besoin des stations pour se développer !

J’ai envie de pousser un coup de gueule depuis un petit moment à propos d’un sujet qui m’agace. Comme tout le monde, je constate depuis quelques années un engouement de plus en plus important pour le ski de randonnée et globalement on ne peut que se réjouir de voir de nouveaux pratiquants venir à la rencontre de la montagne de cette manière.

Mais depuis quelques saisons, et après la tendance freerando qui s’est développée autour du ski de randonnée, on est actuellement en train de nous faire croire que le ski de randonnée aurait besoin des stations de ski, oui vous avez bien lu « des stations de ski », pour se développer.

Pendant de nombreuses années, le ski de randonnée n’a jamais été réellement considéré au sein du milieu des sports d’hiver, vivant loin du « brouhaha » des remontées mécaniques. La toute puissance du ski alpin et des stations de ski ne laissait aucune place à ce genre de pratique, trop anecdotique pour les fabricants de matériels et les usines de nos montagnes.

Mais depuis peu, les stations cherchent de nouveaux modèles de développement. Le manque de neige commence à faire réfléchir, les vacanciers viennent à la montagne mais plus uniquement pour y faire du ski sur pistes.

Et soudain, l’aubaine du ski de randonnée est apparue aux yeux des plus brillants responsables d’Offices du Tourisme, poussé par la tendance freerando et l’évolution du matériel et surtout bien aidé par quelques communicants leur ayant suggéré de développer le concept de pistes de ski de randonnée. Ces traces sont balisées par de petits drapeaux, permettant de réaliser un dénivelé souvent moyen et amenant le néo-randonneur parfois en haut d’une piste damée qu’il pourra redescendre aisément.

C’est ainsi que l’on tente de vendre aujourd’hui le ski de randonnée à celui ou à celle qui voudrait le découvrir et je ne vous cache pas que cela me met un peu en colère pour ne pas dire plus.

Faire la trace…

Station et ski de rando, la grande contradiction !

De mon point de vue, il n’y a rien de plus antinomique que d’associer le ski de randonnée aux stations de ski. Si on tente de définir le ski de randonnée, on peut dire que c’est une pratique du ski en montagne, sans utilisation d’aménagements spécifiques aux domaines skiables, notamment sans remontées mécaniques et sans parcours de zones damées également. On voit tous que cette pratique attire depuis quelques années un nouveau public, désireux de fuir les remontées mécaniques et qui voit également dans cette pratique un loisir écologique.

Rappelons aussi que le nombre de pratiquants du ski de randonnée avoisine les 100’000, pour une population d’un peu plus de 4 millions de skieurs en station en France.

Actuellement, les articles fleurissent, les reportages sont nombreux, parlant de ce nouveau phénomène qui se déroule dans les stations, bafouant selon moi complètement l’âme profonde de ce qu’est le ski de randonnée. Derrière cette nouvelle évangélisation du ski de rando, on cherche également à nous mettre dans des boîtes entre le freerandonneurs, le skieur de pente raide, le skieur fitness, le skieur classique dit « contemplatif » [non mais quelle plaisanterie !!!], le compétiteur…

Bizarrement le skieur de randonnée mangeur de saucisson et buveur de gnôle n’existe pas alors qu’il est certainement une des espèces les plus anciennes ! Et si on est un peu de tout cela, alors ne serait-on pas tout simplement un skieur de randonnée ? Mais là je m’écarte quelque peu du sujet initial…

Alors je ne remets pas en cause le fait qu’une offre plus large autour du ski de rando puisse se mettre en place. La demande est là, le spectre des pratiquants s’élargit et en effet une tendance au ski fitness, sur le modèle du trail, commence à poindre le bout de son nez. Le matériel s’adapte d’ailleurs et on va bientôt finir par skier à poil […] pour vraiment être le plus léger possible. Et si cette nouvelle pratique doit passer par les stations, je n’ai pas de problème avec cela mais que l’on ne vienne pas me dire qu’on fait du ski de rando lorsque l’on suit des petits drapeaux sur 400m de dénivelé à coté de pistes damées pour entretenir son cardio, arrêtons l’affront.

Car ne nous trompons pas dans ce qu’est le ski de randonnée. Si l’on peut trouver une grande diversité parmi les pratiquants du ski de randonnée, il n’en demeure pas moins que cette activité nécessite des connaissances, souvent longues à acquérir et dont seule la pratique régulière dans des terrains variés pourra venir la renforcer. Suivre une trace balisée n’a rien à voir, redescendre une piste damée non plus.

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Oui, s’initier au ski de rando est possible !

Je m’occupe bénévolement d’un groupe montagne depuis 10 ans au sein de la société pour laquelle je travaille. Nous proposons des courses d’initiations chaque année et travaillons avec des guides pour emmener de nouveaux pratiquants à la découverte de ce sport. Nul besoin d’aller en station pour trouver un terrain adapté, un dénivelé raisonnable permettant d’avoir un premier contact avec la montagne au travers de cette pratique.

Découvrir le ski de randonnée c’est également découvrir un certain nombre de choses nouvelles; ce que tracer veut dire, pourquoi passe-t-on à droite plus qu’à gauche, parler du manteau neigeux, des pentes sur lesquelles nous glissons, bref un nombre de sujets qui méritent d’être évoqués. C’est également toute la beauté de partager des instants en montagne dans un milieu sauvage et d’amener des pratiquants vers plus d’autonomie dans cet environnement.

Je me permets de partager ce que Jeroen de chez Skitour écrivait récemment, on est en plein dans le sujet :

Une belle trace,

c’est une trace qui joue intelligemment avec le relief et les conditions de neige,
c’est une trace qui conserve une pente à peu près constante,
c’est une trace qui vous fait prendre du dénivelé sans que vous ne vous en rendiez compte,
c’est une trace qui peut se suivre sans cales et qui sera praticable même regelée,
c’est une trace qui évite soigneusement les futures traces de descente,
c’est une trace que les suivants ne se sentent pas obligés de retracer.

Tracer serait-il un art en perdition ?

Manifestement avant de devenir un art, tracer ne sera même pas quelque chose de connu pour certains nouveaux pratiquants.

Et que l’on ne vienne pas me dire non plus, comme j’ai pu le lire ici ou là, que des guides et des moniteurs ESF se réjouissent de ces pistes, leur permettant de toucher une nouvelle clientèle. Car si tel est le cas, j’invite ces mêmes guides à rapidement prendre leur jolie médaille et se la mettre la où je pense… S’ils ont besoin que les stations les aident à se créer une clientèle et bien qu’ils changent de boulot.

Quand je pense à tous ces nombreux guides et autres clubs qui se démènent pour proposer des programmes variés sur une saison, avec des journées découvertes, des cours sur le risque avalanche, des raids, des voyages, tout cela animé par la passion de la montagne et ce pour tous les niveaux, et bien j’ai honte pour ces guides ou autres moniteurs qui se réjouissent d’emmener des « toutous » suivre des petits drapeaux à coté des pylônes !

Alors bien entendu je ne suis pas dupe, nous vivons dans une société mercantile où la moindre opportunité commerciale sera exploitée. Celle-ci aurait été trop belle pour ne pas l’être. Au travers de ce blog que j’anime depuis 1998, je parle de l’évolution de cette pratique dont je suis un observateur attentif. D’ailleurs le ski de rando et son matériel a énormément bénéficié des investissements faits par les fabricants au cours de ces 5 dernières années. Ce sont d’ailleurs ces mêmes fabricants qui ont tracé des lignes et des frontières pour mieux nous vendre leurs produits et le fait que les stations s’engouffrent dans cette brèche n’est qu’une suite logique…

Mais soyons clair, je ne suis pas un randonneur « conservateur », au contraire j’ai toujours prôné pour une évolution et une ouverture de cette activité aussi bien dans la manière de la pratiquer que dans l’usage du matériel offert. Je ne cherche pas non plus à défendre une communauté de passionnés qui vivrait repliée sur elle-même sans accepter qu’elle puisse s’ouvrir. Cependant, je considère que l’on ne peut pas tout passer au rouleau compresseur du marketing de masse et je n’accepte pas cette somme de raccourcis que je peux lire dans L’Equipe 1, L’Equipe 2, Figaro 1, Figaro 2 et même Montagnes Mag et qui vise à vulgariser cette pratique du ski !

Vive le « joggeur à ski » !

En conclusion, je pense que l’on parle surtout d’une nouvelle pratique qui ne s’apparente en rien à ce qu’est le ski de randonnée, au sens strict du terme. Au lieu de « ski fitness », parlons de « joggeur à ski » sur des « chemins de randonnée balisés » comme il en existe tant dans de nombreux autres pays comme en Suisse, en Autriche ou en Pologne. Arrêtons de créer de la confusion et de faire croire à ces nouveaux consommateurs,  qu’ils deviendront des skieurs de randonnée en empruntant ces pistes, car nous ne parlons pas du tout de la même pratique.

Au travers de ce post, je souhaite juste dire stop à ce bourrage de crâne qui veut nous faire croire que le développement du ski de randonnée passe par les stations car ce sont bien les stations de ski qui aujourd’hui semblent avoir besoin du ski de randonnée et non l’inverse.

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